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Communiquer demain Le 19 mai dernier, en présence de la ministre de la Culture, de la ministre de la Jeunesse et des Sports et du ministre délégué à la Ville, étaient inaugurés de nouveaux espaces du centre d’ingénierie et d’expérimentation multimédia à vocation culturelle et sociale. Alias Le Métafort d’Aubervilliers.
Le projet du Métafort trouve son origine dans un rapport de Pierre Musso, rédigé à la demande de Jack Lang, sur le thème de la création artistique et des nouvelles technologies. Il y était proposé la création d’un » Bauhaus » de l’ère électronique. Repris au vol par Jack Ralite, la » Cité des Arts » fut présentée en janvier 1992. Projet de portée internationale et à trois composantes: la création artistique, les avancées technologiques et scientifiques, l’innovation sociale. L’originalité et l’ambition de ce projet, ensuite nommé Le Métafort, l’ont finalement longtemps desservi. Conçu comme lieu de production et de recherche largement ouvert sur la vie de la municipalité d’Aubervilliers où le site est implanté, ainsi que sur celle de Pantin qui a contribué à soutenir le projet, et, plus largement, sur le département de Seine-Saint-Denis, également partenaire, la mixité entre art, recherche et social a longtemps paru une belle utopie.
La mixité entre art, recherche et social
Depuis sept années, un comité de parrainage international appuie cependant le projet, conscient que, s’il ne pouvait aboutir, il manquerait un maillon indispensable à la culture et à la vie de la cité. Le Métafort est un instrument indispensable pour le prochain siècle, si l’on veut que chercheurs, artistes et citoyens construisent ensemble et réfléchissent au désir commun de vivre ensemble sans que les uns soient déconnectés des autres. Projet complexe car il mobilise différents ministères et non pas seulement celui de la Culture. Il implique celui de la ville, celui de la recherche et de l’industrie, et encore des partenariats industriels comme France Télécom, Bay Networks, Digital Equipment France, Sotimage. Créer des synergies entre toutes ces instances publiques et privées relève du casse tête. Mais on aime au Métafort afficher ce précepte emprunté à Jules Verne: » rien n’est fait de grand qui ne soit une espérance exagérée. » Aujourd’hui les locaux provisoires du Métafort sont passés de 180 mètres carrés à 850 et proposent un ensemble d’espaces: un accueil pour le dépôt de projets, un espace de formation, un » Métalab » » atelier de recherche et de création pour des projets demandant des développements numériques complexes « , un centre de ressources comprenant une multimédiathèque, un espace pour le traitement de la photo, du dessin, de la vidéo, un espace bureautique, un espace » entreprises « . Dans la partie baptisée la » Passerelle « , les réalisateurs de projets pourront présenter leur travail en cours, ainsi que les innovations technologiques. Y seront aussi organisés des débats et des rencontres. Le Métafort, dans sa version réduite, est lié pour l’avenir proche avec un nombre important de jeunes artistes, fédérés, notamment par la première revue d’art sur internet en France, créée et animée par notre collaboratrice Anne-Marie Morice, Synesthésie, hébergée dorénavant au Métafort. Par ailleurs, de 1996 à 1997, le Métafort a développé dix-huit projets d’artistes et, en 1998, ce sont quatorze projets qui verront le jour.
Un projet qui fait appel à des apports budgétaires multiples
Les nouveaux apports budgétaires vont permettre d’engager des techniciens qui mettront » l’outil Métafort » à disposition des artistes et des partenaires qui voudront l’utiliser. Le Métafort travaille évidemment en réseau avec une liaison haut débit et bénéficie déjà de liens avec des partenaires internationaux de haut niveau, tels le Massachussetts Institute of Technology de Boston, le célèbre MIT, le High Tech Center de Babelsberg, le ZKM de Karlsruhe et l’ICC de Tokyo. Le développement du Métafort, à moyen terme du moins, est assuré par des engagements pour le budget de fonctionnement de l’ordre de 500 000 F pour l’année 1998 et de 2 millions de francs pour l’année 1999, en provenance du ministère de la Culture, ainsi que 200 000 F pour 1998 du ministère des Transports, de l’Equipement et du Logement. Les déclarations de Catherine Trautmann, et son attachement aux » projets transversaux » encouragent la vocation du Métafort: » être un lieu spécifique de rencontres et de travail multidisciplinaires, chargé d’accueillir et d’accompagner la réalisation de projets associant les techniques contemporaines à la création et aux attentes sociales « .
Communiquer demain
Au Centre des congrès de Poitiers, Internet occupait le devant de la scène. C’est en effet là que le IVe Forum organisé par la Mission pour la célébration de l’an 2 000, présidée par Jean-Jacques Aillagon, se déroulait le 29 mai dernier. Intitulé du débat: » Demain tous en ligne ? Les nouvelles technologies de la communication « . Ce mode de transmission de l’information par ligne téléphonique, câble ou par satellite, ne connaîtrait ni frontières ni limites de contenu et serait appelé à modifier profondément nos modes de vie comme nos représentations de l’espace. Membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel, Philippe-Olivier Rousseau livre sa vision des choses: » La mondialisation, pas seulement celle de l’économie et des flux financiers, mais aussi celle de la pollution, des crimes, du terrorisme, de la famine, des épidémies, implique la définition d’un nouveau pacte social. Sans action politique, les inégalités dans le monde seront amenées à croître de manière insupportable. Et sans régulation politique, la société de l’économie de l’immatériel sera plus violente et plus inégalitaire que ne l’a été la société industrielle « . Solution envisagée par l’intervenant qui réclame toutefois la nécessité d’une » gouvernance mondiale « : » Le marché, la déréglementation et le libéralisme, sont les conditions impératives du développement rapide de la société de l’information « . Un point de vue dominant que reprendront et étayeront un philosophe, un politologue et un homme de marketing… Mais, au regard du contexte mondial décrit par Philippe Quéau qui dirige la division de l’information et de l’informatique de l’Unesco, la position de Philippe-Olivier Rousseau est ouvertement contradictoire. Qui serait à même d’exercer une mission de gouvernance en toute équité au regard des actuels détenteurs des moyens de communication et de la répartition géographique de ceséquipements ? Philippe Quéau dépeint une conjoncture éloquente: sur les six milliards d’habitants de la planète, les télécoms, tous pays confondus, desservent 500 millions d’abonnés au téléphone, abonnés potentiellement concernés par Internet, chiffre à mettre en regard des trois milliards d’humains qui ignorent tout de l’existence du combiné, et davantage encore de l’ordinateur. » La globalisation d’Internet, continue Philippe Quéau, ne concerne que les riches: la parole des « Etats-nation » est laissée de côté et ce sont des firmes surpuissantes qui dictent les règles du jeu de l’économie mondiale « . Et de reprendre le rapport de mars 1998 de l’Union internationale des télécoms selon lequel le coût de la connexion téléphonique serait dix fois plus élevé en Afrique que dans les pays de l’OCDE: » Un simple changement de politique tarifaire, conclut-il, permettait de doubler le nombre d’abonnés donc de démocratiser l’accès au réseau Internet. La globalisation politique et la globalisation des esprits, c’est-à-dire la prise en compte de l’intérêt général, sont inexistantes d’où l’aggravation du déséquilibre mondial « . Autre question essentielle: quel sera le véritable impact d’Internet qui bouleverse les notions de distance et de lieu ? Jean-Michel Billaut, responsable de la veille technologique à la Compagnie bancaire et vice-président de l’Association française pour le commerce et les échanges électroniques, tentera d’y répondre en une pirouette: » Je ne sais pas où nous allons, mais nous y allons ! » Mais il produit un certain nombre d’éléments tangibles s’agissant du commerce électronique: achats qui ne nécessitent aucun déplacement, abaissement du prix des marchandises et disparition d’un nombre important d’intermédiaires: » Aux USA, un million de véhicules sont vendus par Internet sur Auto-by-Tel, et plus de 500 000 actionnaires abonnés à E-trade. com, un courtier en bourse électronique qui ne facture aucune commission. Ces deux sociétés s’installent en France… « , avant de conclure son intervention par: » L’élite dirigeante française n’a aucune idée de ce qui va lui arriver… » Par bonheur, l’Internet permet bien d’autres possibilités que d’acheter des automobiles. Les réseaux sont des outils de communication et de savoir qui doivent faire l’objet d’une appropriation sociale, hors des calculs mercantiles.
Par Maris Marques
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