Les résultats du premier tour des législatives n’ont pas été à la hauteur de la présidentielle pour les anciens alliés du Front de gauche. Mais les 13,7% de suffrages confirment le regain d’une gauche bien à gauche… dont les équilibres internes ont changé.
Le lecteur trouvera en annexe un tableau qui présente les résultats du PCF et de la France insoumise dans les circonscriptions, les départements et 750 communes ayant fait ou faisant partie de l’espace du « communisme municipal ». Il pourra mettre en regard les résultats de dimanche dernier avec ceux des élections précédentes, de 2002 à aujourd’hui, présidentielles comme législatives.Une France insoumise solidement installée
Que la France insoumise n’ait pas pu réaliser le rêve d’une majorité parlementaire et d’une occupation du pouvoir ne saurait occulter le fait majeur : le jeune mouvement lancé en 2016 par Jean-Luc Mélenchon est devenu la première formation d’une gauche par ailleurs bien affaiblie. À elle seule, avec ses 2,5 millions de suffrages et ses 11%, la France insoumise fait mieux que les deux partis qui furent les pivots de la gauche française, le PC et le PS (9,1% au total). L’histoire ne manque certes pas de formations éphémères, qu’une conjoncture stimule et qui s’effacent une fois qu’elle s’est estompée. Pour tout dire, la gauche de gauche n’est vraisemblablement pas au terme d’une recomposition qui l’installerait dans la durée. Mais, dans l’immédiat, force est de constater que la France insoumise a pour le moins marqué une option pour être au cœur de cette recomposition. Le tableau des hiérarchies départementales montre ainsi la réalité d’une implantation qui se caractérise par sa densité et son équilibre. On trouve ainsi autant de départements (48) au-dessus de la moyenne nationale (11,2% en France métropolitaine) que de départements au-dessous. Sans doute le sommet du tableau n’offre-t-il pas les très forts pourcentages de la France communiste d’hier. Sans doute cela explique-t-il le décalage qui semble encore exister entre l’influence nationale et la capacité à s’imposer massivement sur le plan local. Mais le plus significatif est dans l’existence d’une distribution relativement resserrée. En dehors de la Haute-Corse, aucun département ne se situe au-dessous des 5% et seule une trentaine se trouve sous le seuil des 10% d’exprimés. Quant à la répartition géographique du vote, elle confirme ce que la présidentielle avait révélé. Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise se sont installés dans les territoires historiques de la gauche, ceux que se partageaient ou que se disputaient le PC et le PS au XXe siècle. Les dix premiers départements d’influence, pour FI, sont significatifs de cette assise :
A contrario, l’implantation reste plus faible dans le Centre et dans l’Ouest, et notamment dans les départements moins urbanisés (Allier, Cher) qui sont devenus, depuis le milieu des années 1980, des pivots de ce qui reste de vote communiste.
Il est à noter que la consultation législative a moins mis en évidence le troisième ancrage du vote Mélenchon. Depuis 2012, ce vote a connu un essor spectaculaire dans les zones de forte densité urbaine, et en particulier dans le cœur des métropoles. Or les caractéristiques de ce vote atypique, la propension plus grande à l’abstention des jeune et des catégories populaires ont quelque peu atténué le trait cette fois-ci. Encore que les bons résultats dans la couronne parisienne et à Paris même laissent entendre que, si le mouvement est atténué, il n’a pas disparu pour autant.
Les déboires du PCF
Pour le PCF, ces élections s’annonçaient délicates. Le vote de dimanche l’a entériné. Le PCF, avec 2,7% d’exprimés, enregistre le score le plus bas de son histoire législative, à peine au-dessus du très décevant résultat de la présidentielle de 2007 (1,9%). Il est aux deux tiers du niveau atteint aux législatives de 2007 (4,3%), les dernières où ils se présentait sous sa propre bannière. En 2012, l’alliance du Front de gauche avait permis de redresser la barre dans les départements où il se marginalisait, sans pour autant interrompre l’érosion de ses zones d’influence ancienne. Le mouvement s’est encore accentué cette année. Les tableaux en annexe permettent de cerner un peu mieux le bilan. Le PCF ne frôle les 10% que dans le Puy-de-Dôme, qui fait partie de la vingtaine de départements qui ont mieux résisté que les autres dans la dernière décennie. Partout ailleurs, le recul est sensible, une autre vingtaine de départements reculant de plus de la moitié du niveau initial, dans l’Est, le Centre et la région parisienne. Au total, quarante départements le placent au-dessous de la barre des 2%. Dans de nombreuses circonscriptions, le PCF est aujourd’hui voué à la marginalité électorale, pas très loin de ces « gauchistes » dont il s’est longtemps gaussé, afin de délégitimer radicalement leur propos. Les zones de force se sont rétractées sévèrement : le PCF ne dépasse les 5% que dans dix départements qui ne sont plus le socle territorial ancien du monde ouvrier industriel et de l’expansion urbaine. La poussée du Parti socialiste, dans les années 1970-1980, avait peu à peu déstabilisé les assises de l’organisation communiste, qui a perdu à la fois dans les catégories très populaires et dans les couches moyennes des périphéries urbaines. L’essoufflement du PS aurait dû le revigorer : ce n’a pas été le cas. Pour l’instant, c’est la dynamique impulsée par Jean-Luc Mélenchon qui s’est installée dans les habits anciens de la France communiste. Quand la banlieue retrouve des couleurs, ce n’est plus celles du communisme urbain du siècle précédent.
L’observation du cadre municipal n’infirme pas le constat, bien au contraire. Entre 2008 et aujourd’hui, le PCF a été à la tête d’environ 750 communes de toutes tailles. Un des tableaux en annexe résume l’évolution du PC dans cette série de communes, qui ont été longtemps le noyau du « communisme municipal ». Au début du siècle, le PCF se situait encore dans une fourchette de 20 à 25% dans les consultations législatives nationales. En 2017, le total des scores du PC et de FI dépasse nettement le seuil des 25%. Mais ce ne sont pas les communistes qui en tirent bénéfice.
Si l’on s’en tient aux 750 communes concernées, on constate un équilibre presque parfait entre le PCF (13,9%) et la France insoumise (13,8%). La situation est plus délicate en région parisienne où le PC a reculé de plus de la moitié sur son score de 2007. Il est vrai que dans deux circonscriptions importantes (Saint-Denis et Bagneux), les candidats communistes se présentaient sous l’étiquette de la France insoumise.
On trouvera en annexe deux hypothèses, selon que l’on attribue le score des candidats communistes, ou à la France insoumise auquel ils ont été officiellement rattachés. La première hypothèse (le classement officiel) met la France insoumise en tête (17,8% contre 11,6% pour le PCF ; la seconde les remet en position d’équilibre (13,9% pour le PC, 13,8% pour FI. Dans tous les cas, on n’oubliera pas que les suffrages se seraient vraisemblablement répartis plus ou moins en cas de concurrence, comme le montre la plupart des cas où cette concurrence a été effective. On peut donc légitimement pencher pur un avantage réel à la France insoumise, que que part entre les deux hypothèses.




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