Présidentielle : quels programmes pour la culture ?

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En matière de politique culturelle, le clivage entre la droite et la gauche n’est plus aussi net. Les programmes des principaux candidats pour la présidentielle 2017 montrent comment se redessinent les enjeux de l’intervention de l’État aujourd’hui.

À la droite, la valorisation du patrimoine ; à la gauche, le soutien à la création : telle était, de manière schématique, la distinction traditionnelle en matière de politique publique de la culture. « Jusque dans les années 1990, il y avait une différence d’approche, note Eric Fourreau, rédacteur en chef de la revue Nectart et conseiller en politique culturelle auprès des collectivités territoriales. Aujourd’hui, dans les municipalités, on ne voit parfois pas beaucoup de différences entre une ville PS et une ville d’un maire de Les Républicains. En fait, la droite s’est emparée du sujet de la démocratisation de la culture. »

Les programmes des principaux candidats attestent ainsi de la préoccupation « d’élargir le public » de la culture. Dans son « Projet pour la France », Fillon fait figurer à côté de mesures pour le patrimoine (« plan Patrimoine pour tous », moyens pour la Fondation du patrimoine[[Fondation du Patrimoine : créée en 1996, financée principalement par le mécénat d’entreprise (Total, Bettencourt-Schueller…), elle aide les propriétaires privés ou publics à sauvegarder le patrimoine rural non protégé. La Fondation du patrimoine aide à mener à bien leur projet de rénovation.]]), l’intention de renforcer les actions des établissements culturels nationaux vers les publics et d’inciter les Fonds régionaux d’art contemporain à exposer « dans les lieux publics ».

Éducation artistique

Dans les discours, l’éducation artistique semble un sujet acquis pour la plupart des candidats. Il est développé chez Hamon et Mélenchon. Dans son projet « Pour faire battre le cœur de la France », le candidat PS brandit le slogan « Pour la culture partout, par tout, pour tous » et propose un plan « Arts à l’école » qui encouragerait l’usage de la bibliothèque dès le CP, les pratiques musicales collectives, l’éducation à l’image et la présence renforcée des artistes dans les établissements scolaires.

« L’avenir en commun » de Mélenchon veut faire de l’éducation artistique « une vraie priorité éducative de la maternelle à l’université » mais aussi – une singularité – qu’elle s’adresse aux adultes, avec le « renouveau de l’éducation populaire et de la culture en entreprise ». Fillon, lui, mentionne l’intention de proposer « une offre artistique dans tous les établissements scolaires, notamment la pratique musicale collective ».

Quant à Macron, dans l’introduction de son livret de campagne, il affirme que la culture est une priorité : « Le premier chantier », « essentiel pour l’avenir de notre pays », avec l’éducation. Car il précise : « Je veux remettre la transmission des savoirs fondamentaux, de notre culture et de nos valeurs au cœur du projet de notre école et de nos universités ». Sur le papier, les mesures sont incluses dans la partie Éducation. Elles sont maigres : maintien du budget de la Culture, ouverture plus étendue des bibliothèques et instauration d’un « Pass Culture » de 500 euros pour les jeunes de dix-huit ans – autrement dit des bons d’achat pour des produits culturels, calqués sur le « bonus Culture » (baptisé « 18app ») mis en place par le gouvernement italien. Une subvention individuelle à la consommation, en quelque sorte.

Financement public ou privé ?

Le financement de la politique culturelle – point crucial, tant les pertes et baisses de subventions au niveau national et local ont été sévères et se poursuivent –, reste un point de divergence. Mélenchon et Hamon s’engagent à renforcer le budget du ministère de la Culture en le portant à 1% du PIB (en 2017, il est à 1,1% du budget de l’État). Le candidat des Républicains prône un financement par le privé – via le mécénat, la publicité, le sponsoring. Ces trois candidats s’engagent tous à défendre au niveau européen l’exception culturelle, ce qui veut dire soutenir les industries participant à la diversité culturelle (par le prix unique du livre, les aides au cinéma art et essai, etc.)

Une tribune publiée par 180 créateurs, sur le Huffington Post, le 21 février dernier, interpelle les candidats sur la nécessité d’encadrer les « géants » du numérique et dresse un constat accablant des effets de l’ultralibéralisme : « L’art et la culture ont été rebaptisés « industries créatives », les œuvres sont devenues des « contenus » et les spectateurs se sont transformés en « consommateurs ». Derrière ces mots, se dressent des réalités implacables et incontestables: les conditions de création et de rémunération se sont dégradées, les auteurs sont soumis à diverses formes de censure, économiques et parfois même politiques, la diversité de la création se trouve en sursis ».

Faire contrepoids à cette concentration de pouvoir des multinationales de l’Internet s’impose aux yeux d’Éric Fourreau, qui analyse : « En maîtrisant les contenants (sites, plateformes…), elles se trouvent à maîtriser également les contenus : c’est-à-dire les productions culturelles ». Le principe de protéger la rémunération des auteurs est adopté par les candidats LR et PS. Qu’ils souhaitent garder la loi Hadopi comme Fillon, ou bien comme Hamon imaginer « de nouvelles formes de financement de la création des acteurs mondiaux du numérique ». Mélenchon, lui, précise qu’il veut remplacer Hadopi par une offre légale publique, financée par une cotisation universelle sur les abonnements Iinternet.

Un levier identitaire pour le FN

Parmi ses « 144 Engagements présidentiels », Le Pen se positionne pour le mécénat participatif sur Internet et contre la loi Hadopi, évoquant la licence globale, sans précisions. En tous, six mesures liées à la culture apparaissent dans la partie « Une France qui créé et qui rayonne ». C’est davantage qu’en 2012, où le mot d’ordre en la matière était « Protection du patrimoine et fin du copinage ». Est désormais incluse, une mention sur l’éducation musicale à l’école.

Éric Fourreau n’est pas surpris : « Il est évident que, en intégrant cette question comme d’autres, le FN cherche à se légitimer sur le plan politique. La réalité est que dans les municipalités FN, la mairie supprime les subventions pour les associations qui s’attachent à la culture d’autres pays, même si celles-ci s’adressent aux enfants ». Le leitmotiv nationaliste, à tendance identitaire, est manifeste : le paragraphe « Défendre l’unité de la France et son unité nationale » promet d’inscrire dans la Constitution « la défense et la promotion de notre patrimoine historique et culturel ».

Il s’agit de considérer l’art et la culture comme les emblèmes d’une identité française mythifiée, et unique. Comme l’attestent les réactions des membres du Front national à une déclaration de Macron, lors d’un meeting à Lyon, en février, sur la culture française multiple (dixit « Il n’y a d’ailleurs pas une culture française, il y a une culture en France, elle est diverse, elle est multiple »). Fillon a joint sa voix à ceux qui criaient – via les réseaux sociaux – au scandale.

Le sens de la culture

Le programme du candidat LR stipule que la culture est le « pilier de notre identité et de l’intégration de nouveaux arrivants », mais aussi un « ultime rempart contre la barbarie qui nous frappe » en mettant en avant « l’accomplissement de soi » et « la cohésion sociale ».

Le programme de En Marche ! fait d’elle également une condition de « notre cohésion nationale ». Et le candidat PS, ce qui permet à la jeunesse « d’ouvrir des horizons », de « s’impliquer pour façonner le monde de demain ». La vision que promeut Mélenchon associant culture et progrès humain, selon la tradition de la gauche communiste, et prenant la culture comme « une pierre angulaire de l’émancipation des citoyens », est minoritaire.

La politique publique concernant l’éducation culturelle de la jeunesse et la protection des artistes paraît s’être imposée, mais il reste à défendre plus que jamais le sens même de l’art et la culture, du point de vue politique, comme bien commun vivant, ferment pour la pensée humaniste et pilier de la démocratie.

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