Paris : en voie de macronisation, la majorité municipale menacée

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Alors que sa majorité à Paris se lézarde sous l’effet des défections vers la candidature d’Emmanuel Macron, Anne Hidalgo est mise sous pression pour cesser ses critiques à l’encontre de celui-ci… sous peine de voir sa propre position fragilisée.

La macronisation des élus n’aura bientôt plus de limite. Jusqu’à mettre en péril la majorité municipale à Paris ? « Ça n’est pas un objectif », jure-t-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron. Et pourtant, ça tangue au cœur de la majorité municipale. Une majorité haute en couleurs puisqu’elle accueille déjà en son sein des élus communistes, écologistes, socialistes, radicaux, un ex-Modem et une ex-chiraquienne.

Le Guen à la manœuvre

Un exploit à gauche qui a ses limites. Parce que la maire de Paris, Anne Hidalgo, compte désormais trois élus membres de l’exécutif municipal ayant rejoint le mouvement En Marche ! Parmi eux, son adjoint aux finances, Julien Bargeton, son adjoint à la propreté, Mao Peninou, et le très influent Jean-Louis Missika en charge de l’urbanisme. Une conversion soudaine qui n’est pas du goût de tous. D’autant que la liste des nouveaux ralliés pourrait s’allonger, dangereusement…

Depuis le très puissant – bien que symbolique – soutien de l’ancien maire de Paris, Bertrand Delanoë, à Emmanuel Macron, de nombreux autres élus se sentent pousser des ailes. À la manœuvre, l’actuel secrétaire d’État Jean-Marie Le Guen. Le député parisien – également conseiller de Paris – est fâché de longue date avec Anne Hidalgo. Et avec la gauche tout court. Deux jours seulement après la victoire de Benoît Hamon – alors qu’il s’était engagé à soutenir le vainqueur de la primaire socialiste, il avait déclaré : « On peut être socialiste et appeler à voter Macron ».

Son poulain Manuel Valls ayant été mis en échec, le ministre girouette envisagerait aujourd’hui de quitter le groupe socialiste du Conseil de Paris afin de créer son propre groupe En Marche !. Objectif : mettre en minorité la maire de Paris. Et pourquoi pas prendre sa place. Mais le scénario ne semble pas plaire à l’entourage d’Emmanuel Macron, qui n’a pas l’air décidé, pour le moment, à mettre des bâtons dans les roues à celle qui fait de la résistance à gauche.

Hidalgo, en marge du quinquennat

Dès le début du quinquennat de François Hollande, Anne Hidalgo s’était montrée particulièrement critique à l’égard de l’action du gouvernement. Des critiques mesurées. On ne compte plus le nombre de bras de fer engagés entre la Ville de Paris et le gouvernement. Sur la circulation alternée en période de forte pollution, sur le travail du dimanche, le pacte de compétitivité – dont elle moque l’absence de contrepartie, la loi Macron, la déchéance de nationalité, la loi Travail, etc. Tout au long des cinq dernières années, elle a mené la bataille des idées, à gauche. Aujourd’hui, ses propos à l’endroit d’Emmanuel Macron n’ont donc rien d’étonnant : « C’est un homme du centre, d’une droite libérale, regardez son programme d’ailleurs très proche de celui de François Fillon sur beaucoup d’aspects », a-t-elle déclaré au micro d’Europe 1, le 7 mars dernier.

Pas étonnant, non plus, que deux élus parisiens membres des Républicains aient rejoint le mouvement En Marche !. Et pas n’importe lesquels : Jérôme Dubus, élu du 17e arrondissement bien connu pour ses oppositions frontales à la maire de Paris sur les questions de logement social ou d’hébergement de migrants. Et Dominique Tibéri, élu du 5e arrondissement, fils des célèbres Jean et Xavière Tibéri.

Emmanuel Macron sait rassembler large. Bien au-delà des clivages traditionnels. Il avait déjà réussi à rallier à lui les deux meilleurs ennemis de la Seine-Saint-Denis : l’ex-communiste Patrick Braouezec et l’actuel locataire du perchoir du Palais Bourbon, Claude Bartolone. Il vient (presque) de réconcilier les Tibéri à Delanoë, désormais dans le même bateau, comme n’a pas manqué de le relever l’élue parisienne Marie-Pierre de la Gontrie. Voilà qui fait tache.

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La menace Macron

Dans l’entourage d’Anne Hidalgo, plusieurs de ses conseillers et élus proches lui suggèrent de cesser ses attaques contre le candidat à la présidentielle. Bertrand Delanoë aurait, lui aussi, souhaité convaincre la maire de Paris. En vain. Une rencontre était même fixée à la fin du mois de mars. Finalement, le tête-à-tête n’aura pas lieu. Anne Hidalgo aurait fait sauter le rendez-vous de son agenda.

Depuis les déclarations de son successeur au micro de Patrick Cohen, elle ne décolère pas. Et il y a de quoi. Au gré de nouvelles alliances qui pourraient s’opérer dans les prochaines semaines – avec une accélération redoutée des ralliements parisiens, Anne Hidalgo verrait ainsi sa majorité se fracturer. D’autant que certains de ses soutiens ne tiennent qu’à un fil. « Il y a quelques élus parisiens qui ne soutiennent Anne Hidalgo que parce qu’elle garde la main sur les investitures aux sénatoriales », indique-t-on au groupe socialiste de la Ville de Paris. Mais une fois l’échéance passée en septembre prochain, tout sera possible… jusqu’à perdre son siège de maire ? « L’hypothèse est jugée sérieuse », croit-on savoir dans les couloirs de l’Hôtel de Ville.

Pour l’heure, Hidalgo résiste, confortée par les résultats parisiens de la primaire de la Belle alliance populaire. Ils étaient près de 60% à voter pour Benoît Hamon, qu’elle a soutenu face à Manuel Valls. Mais l’hypothèse d’un Emmanuel Macron aux portes de l’Élysée – si ce n’est à l’Élysée même – pourrait bien venir perturber les projets d’Anne Hidalgo.

@pjacquemain

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