Attaques contre la justice, argumentation complotiste et, maintenant, appel à une manifestation dont le caractère factieux transparaît : les réactions du camp Fillon ont des résonances frappantes avec les années 30. Jusqu’où peut-on pousser la comparaison ?
« Une droite putschiste, qui ne gère la République que du bout des lèvres, tant qu’elle peut s’en servir. Voilà la manifestation de dimanche. ». Ces mots durs sont ceux de l’historien Nicolas Offenstadt. Les termes de « putsch » de comportement « factieux », ou la référence au 6 février 1934 ont affleuré à l’esprit de plusieurs intellectuels et politiques, après l’annonce de l’organisation d’une manifestation en soutien à François Fillon ce dimanche pour, selon l’hebdomadaire Valeurs actuelles qui a révélé l’information, « protester contre le coup d’État des juges ».
« La manif des factieux c’est pas ma came », se plaint une petite main du QG de Fillon. « Si cet appel à une manif dimanche contre « le coup d’État des juges » se confirme, le camp Fillon basculerait dans le factieux », juge le chef du service France de Libération. « Un mauvais remake du 6 février 1934 ? », commente le conseiller de Paris Jacques Baudrier. « Irresponsable et anti-républicain. #6février1934 », twitte l’ex-ministre Corinne Lepage.
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De fait, les parallèles avec le 6 février 1934 existent. Rappelons-le, à cette époque, la France subit de plein fouet une crise économique. Le chômage enfle, et le pouvoir s’avère incapable de rétablir la situation. S’ajoute à cela un contexte de scandales politico-financiers : les affaires Hanau, Oustric et enfin Stavisky – goutte d’eau qui fera déborder le vase de l’antiparlementarisme. L’escroc est lié à plusieurs députés radicaux, dont un ministre du gouvernement de l’époque. Le 8 janvier 1934, il est retrouvé mort. Aussitôt, la droite soupçonne la gauche de l’avoir tué pour éviter de fâcheuses révélations…
On retrouve dans l’affaire Fillon plusieurs des ingrédients de ce scandale. Une ambiance de soupçons et de complot, de fantasmes de manipulation du pouvoir. Là alimentée par l’Action française ou les Jeunesse patriotes qui dénoncent « un véritable complot » qui « se trame au dedans et au dehors contre notre pays » ; ici nourrie par François Fillon lui-même, qui a lancé mercredi : « Le crime profite à ceux qui ne veulent pas que la droite gagne ». On y retrouve aussi un même climat anti-institutions, déjà à l’époque contre la justice mais surtout contre les parlementaires ; aujourd’hui dirigé essentiellement contre les magistrats et les « merdias ».
Attaques plus violentes
Les parallèles existent, mais ne nous y trompons pas, les différences sont aussi nombreuses… et pas forcément toutes rassurantes. Dans les années 1930, c’est l’extrême droite qui est à la manœuvre. Les manifestations durent pendant un mois, jusqu’à atteindre l’apogée du 6 février. En 2017, face à une extrême droite qui tente de se respectabiliser, c’est la droite qui fait monter les enchères.
C’est en un sens plus inquiétant, mais ses attaques sont aussi beaucoup moins violentes que les textes d’appel à manifester de l’époque, véritables incitations à l’émeute mêlées d’antisémitisme, explique l’historienne Mathilde Larrère. « La guerre civile grogne », écrivait Jean Renaud, de Solidarité française, qualifiant le pouvoir de « voleurs », tandis que l’Action française appelait à crier « À bas les voleurs ! » sous les fenêtres des parlementaires.
Et surtout, la droite est aussi beaucoup plus divisée, comme les défections qui ne cessent de s’enchaîner ont pu le montrer. Ce qui fait dire à l’historien Jean Garrigues, joint par Regards : « Il y a un point commun qui est la remise en question des pouvoirs, avec une justice décriée. Mais nous sommes très loin du 6 février 1934 ».
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