Élise Löwy : « L’écologie politique n’est pas soluble dans le PS »

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Élise Löwy, membre du bureau exécutif de EELV, analyse la situation d’une formation écologiste « en fin de cycle » et estime qu’une alliance avec le PS ne pourrait se faire qu’à la condition d’un véritable projet de transformation.

Regards. Yannick Jadot sera-t-il votre candidat à l’élection présidentielle ?

Élise Löwy. Aujourd’hui Yannick Jadot est le candidat désigné par la primaire de l’écologie. Il n’a pas encore les parrainages suffisants. Il faut dire que l’annonce d’une possible remise en cause de sa candidature dans l’ensemble des médias, dans le cadre d’un accord avec le candidat du PS, n’aide en rien. Des maires sont frileux pour donner leurs parrainages par crainte que le candidat de l’écologie n’aille pas au bout.

Sans les parrainages nécessaires, EELV est-il condamné à se tourner vers le PS – au risque de rejouer 2012 ?

EELV n’est pas contraint de se tourner vers le PS, il y a d’ailleurs moins de huit mois, lors de notre Congrès, l’écrasante majorité des militants avaient fait le choix inverse. C’est pourtant, malheureusement, ce que tente de faire la majorité au bureau exécutif de EELV, en passant un accord sans aucun rapport de forces afin de sauver quelques élus. Aucune leçon du passé et de l’échec de 2012 ne semble avoir été tirée. Or, tout l’enjeu est justement de ne pas reproduire les mêmes erreurs, d’autant plus en se retrouvant derrière le PS sans avoir de garanties suffisantes sur la réalité de la politique menée – dans les actes, et non sur le papier. Nous nous souvenons bien de l’accord qui a été présenté aux militants écologistes en 2011, fait de belles promesses qui n’ont pas été appliquées.

« Un accord entre Jadot, Hamon et Mélenchon serait souhaitable de mon point de vue, sous certaines conditions se fondant sur un projet de transformation écologique et social. »

 

Vos militants et sympathisants sont invités à voter ces jours-ci pour valider la poursuite des discussions avec Mélenchon et Hamon. Vous y êtes favorable ?

J’ai toujours été intéressée par une dynamique citoyenne et collective autour d’un projet écologiste et social qui accompagnerait un accord à trois. Mais sous certaines conditions de fond et de forme, et surtout sur la réalité de la mise en œuvre. En particulier, on ne peut considérer qu’un projet se présentant comme « écologiste » pourrait être appliqué par des députés soutiens – voire membres – du gouvernement libéral sortant et de sa politique, tels que Valls ou El Khomri.

Pourtant, des discussions ont d’ores et déjà été engagées entre EELV et le PS. Vous l’avez d’ailleurs dénoncé. Pourquoi ?

Je confirme que des discussions ont été engagées dès dimanche et que la majorité du bureau exécutif d’EELV s’est lancée dans la négociation d’un accord avant même le résultat de tout vote interne à EELV. Cela pose problème car la majorité actuelle avait promis, lors du dernier congrès, de ne pas retourner avec les socialistes. Même si, déjà, nous étions plusieurs à en douter, connaissant bien les acteurs en présence. 

Dans ce cadre, un accord entre Mélenchon, Hamon et Jadot est-il encore envisageable ?

Un accord entre les trois, dans le contexte actuel, serait souhaitable de mon point de vue, sous certaines conditions se fondant sur un projet de transformation écologique et social. Souhaitable avant tout car il ouvrirait la porte à une alternative potentiellement forte et en capacité d’atteindre le second tour, et parce qu’il épargnerait à EELV un tête-à-tête avec le PS. Mais si cela est compromis pour la présidentielle 2017, il peut être intéressant, au vu du contexte actuel, de discuter des législatives sur la base d’un projet incompatible avec la politique menée par le gouvernement sortant et ses soutiens dans les institutions et ailleurs. 

« Je ne crois pas à une majorité de rupture avec le Parti socialiste. Les cinq ans qui viennent de s’écouler l’ont illustré de manière claire. »

 

Si Jadot se range derrière Hamon, pourquoi ne pas avoir participé dès le début à la primaire des socialistes ?

Une campagne présidentielle peut être une fenêtre pour porter ses idées. C’est ainsi que la pensait René Dumont en 1974. Le retrait de Yannick Jadot questionnerait en effet le sens de cette primaire. Le programme du PS et des écologistes comporte de réelles divergences, par exemple sur le nucléaire ou la proportionnelle. La « Belle alliance populaire », ou la primaire du PS, n’est pas à mon sens le cadre politique pertinent pour transformer la société, ni celui d’une recomposition, par ailleurs nécessaire. Aussi, je ne suis pas favorable à ce que les écologistes se rangent derrière le candidat du PS. 

Une majorité de rupture, de transformation sociale et écologique, est-elle possible avec Benoit Hamon et ses amis du PS ?

Je ne crois pas à une majorité de rupture avec le Parti socialiste. Les cinq ans qui viennent de s’écouler l’ont illustré de manière claire. Doit-on rappeler le TSCG, l’ANI, le CICE, l’état d’urgence, la déchéance de nationalité ? Rémi Fraisse, Fessenheim et plus globalement le mépris de toute politique écologique ? Adama Traoré, Théo, l’abandon des quartiers populaires, les politiques d’austérité qui ont détruit le tissu associatif et le lien social, et tant et tant d’autres choses encore ? En politique, il est toujours préférable d’avoir une mémoire des actes. Cela évite de refaire les mêmes erreurs en boucle.

Donc si EELV se range derrière Hamon, vous pourriez soutenir un autre candidat ? 

Personnellement, je ne soutiendrai pas le candidat du PS. J’ai la conviction que l’écologie politique n’est pas soluble dans le Parti socialiste. Je pourrais éventuellement soutenir une autre candidature.

« EELV est arrivé à la fin d’un cycle. Il s’agit de renouveler les pratiques, les équipes, les moyens et les formes d’action. »

 

EELV est-il menacé ?

Au sein d’EELV, le ralliement officiel à Hamon va diviser le mouvement et les militants choisiront des options très différentes : certains refuseront de choisir, d’autres soutiendront Mélenchon, d’autres Hamon, et d’autres encore Macron. Face à la nature de son projet anti-écologique et antisocial, soutenir Macron est une option qui pour moi ne s’est jamais posée. L’histoire n’est pas écrite. Mais EELV est arrivé à la fin d’un cycle. Il s’agit de renouveler les pratiques, les équipes, les moyens et les formes d’action. L’heure est venue pour une refondation vers un mouvement qui refuse l’endormissement de l’écologie dans la gestion, ou la dilution dans une gauche social-libérale. 

Que va-t-il se passer, à gauche, au lendemain des échéances électorales, d’après vous ?

Une recomposition est nécessaire et la construction d’une alternative écologique, sociale et citoyenne est une nécessité. C’est de l’image d’une réalité différente, un Wunschlandschaft (« paysage de désir ») selon les termes d’Ernst Bloch, dont nous avons besoin, une nouvelle possibilité de se projeter dans l’avenir et d’emprunter un autre chemin, celui de l’émancipation. Cela ne sera possible que si les forces écologistes et sociales assument de dépasser les clivages partisans actuels et les logiques d’alliance qui en découlent pour construire ensemble, avec les citoyens et citoyennes, une alternative écologiste et sociale, durable. Il est essentiel que celle-ci assume de porter un projet radical et ambitieux, impliquant une sortie du nucléaire civil et militaire, le refus des grands projets inutiles et imposés, un changement institutionnel profond (proportionnelle, non-cumul des mandats, droit de vote des étrangers), le partage et la réduction du temps de travail, une rupture avec le mythe de la croissance, une remise au centre de l’humain et de la nature face aux profits. Ce projet est incompatible avec le capitalisme vert.

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