Nous remercions les lecteurs qui nous ont envoyé leurs questions. Nous les avons regroupées par thèmes. Comme annoncé, Pierre Jacquemain et Roger Martelli apportent leur éclairage.
Gobelin Nounours. La gauche a-t-elle une chance d’être au second tour ?
Stéphane. Pensez-vous que les insoumis qui, avec Mélenchon, refusent toute forme de rassemblement au-delà de leur propre camp aux présidentielles comme aux législatives ont des chances de faire gagner la gauche, de provoquer le changement salutaire dont la société a besoin, d’inverser le rapport des forces droite-gauche ?
Stéphane. Un rapprochement allant « de Mélenchon à Hamon en passant par Laurent et Jadot » pour reprendre la formule souhaitée par Gérard Filoche est-il encore du domaine du possible ?
Marc Sidonny. Que penser des appels à un pacte Jadot, Mélenchon, Hamon ? Est-il trop tôt, alors que l’hégémonie des idées d’émancipation n’est pas aboutie, pour s’orienter vers des candidatures communes à la présidentielle et aux législatives ?
Valentin Michel. Fleurissent un peu partout des appels, pétitions… pour une alliance Jadot, Hamon, Mélenchon à la présidentielle. Cela s’appuie sur les récents sondages selon lesquels, en totalisant leurs voix, le second tour serait assuré. Piste à suivre ou statu quo ?
Pierre Jacquemain. Si on est bien d’accord que Macron n’est pas la gauche, alors oui, tout est possible. Qui aurait pu croire – ne serait-ce qu’il y a trois mois –, que Sarkozy serait défait, que Hollande renoncerait et que Valls échouerait au profit de Hamon ? Le moins que l’on puisse dire c’est que le champ des possibles est ouvert. On y voit un peu plus clair même s’il reste de grandes incertitudes sur la droite avec la candidature suspendue de Bayrou et le maintien difficile de Fillon.
S’agissant précisément de la gauche, politique n’est pas arithmétique mais lorsqu’on observe les dernières intentions de vote, le bloc de gauche (Mélenchon-Jadot-Hamon) pèse 27% devant le Front national, le candidat LR et En Marche. C’est plutôt inespéré. Mais si le bloc de gauche ne se rassemble pas il lui sera très compliqué de se qualifier pour le second tour.
Roger Martelli. Sur le papier, un « bloc de gauche » est toujours souhaitable. Une gauche rassemblée a plus de chances de gagner qu’une gauche divisée. Mais si l’on n’y est pas arrivé jusqu’alors, ce n’était pas sans raison. Depuis le début des années 1980, quand la gauche a gouverné, cela s’est toujours traduit par une poussée du Front national. Ce qui divise la gauche, ce n’est pas de la mauvaise volonté, mais des choix politiques. Il ne suffit donc pas de dire qu’il faut rassembler la gauche. Encore faut-il dire si elle doit ou non rompre avec plus de trois décennies de dérives centristes. Incontestablement, la victoire d’Hamon ouvre la possibilité d’évolutions très positives. Mais, pour l’instant, en concentrant ses coups sur la gestion Hollande-Valls de 2014-2017, il laisse entendre qu’il suffirait de revenir à la situation d’avant 2014. On est très, très loin du compte… Conserver intacte la perspective d’une gauche rassemblée, ne perdre aucune occasion de discuter des conditions de ce rassemblement est une chose ; rassembler autour d’une logique de « l’entre-deux » en est une autre. La gestion socialiste du pouvoir, avant Hollande, a navigué sur cet entre-deux, de Mitterrand à Jospin. La gauche tout entière en a trop souffert et la crise démocratique en a été le prix. Le vote prometteur d’un dimanche ne règle pas la question cardinale, clé de toute progression ultérieure. Il ne suffit pas que la gauche gagne par surprise à l’élection présidentielle : il faut qu’elle réussisse au pouvoir. Or elle ne fera pas avec des demi-mesures, sans rupture nette avec quatre décennies de reculades successives. De ce point de vue, les atouts initiaux de Mélenchon ne sont pas évanouis. Mais il doit désormais être clair que ce qu’il incarne ne tourne pas le dos au rassemblement de la gauche : il faut bien créer dans ce pays une majorité populaire de gauche, appuyée sur projet émancipateur en rupture avec les normes qui ont plongé toute une société dans le marasme social, démocratique et symbolique.
René-Michel. Après la débandade du PC, la énième trahison du PS avec Hollande, la tentative Hamon de sauver les meubles solfériniens, les Tout Sauf Mélenchon prêts à s’accrocher à la dernière branche pourrie et qui n’ont plus rien à perdre que leur rente d’élus, comment voyez- vous ou plutôt, voyez-vous quelque chose ?
Pierre Jacquemain. Ce que je comprends dans votre question et que je partage c’est que l’électorat de gauche apparait aujourd’hui totalement déboussolé. Le risque c’est de voir cet électorat, et notamment celui des classes populaires, ne pas se mobiliser et faire gonfler les chiffres de l’abstention. Cela serait dramatique et synonyme d’échec pour la gauche. La gauche a besoin de clarification. Cela se fera sans doute autour d’un café entre Mélenchon et Hamon – qui ne devrait aboutir sur rien d’autre qu’une discussion cordiale, mais les élections législatives et les accords qui seront passés devront être observés à la loupe. Ce n’est pas simplement la question du pouvoir qui se joue mais aussi celle de la recomposition de la gauche à plus long terme.
François Breton. Chez Mélenchon, la tendance sectaire (il n’en a pas l’exclusivité) et la tentation de se faire de nouveaux ennemis réapparait régulièrement. Comment, dans ces conditions, peut-il durablement rassembler ?
Francis. Pourquoi émettre l’hypothèse d’une éventuelle alliance entre Mélenchon et Hamon avant le premier tour alors que Hamon a clairement déclaré que quoi qu’il arrive il y aura un bulletin Hamon dans les bureaux de vote ? Ne pensez-vous pas que cette intox téléguidée par Solferino n’a d’autre but que de faire passer Mélenchon pour un diviseur ?
Pierre Jacquemain. Mélenchon se trouve devant une difficulté que personne n’a vu venir : il a face à lui un candidat à la présidentielle, socialiste, qui lui propose de discuter les bases d’un compromis et faire émerger une majorité gouvernementale. Qui l’eût cru ? Hamon ne s’est pas adressé à Mélenchon, Jadot et Macron dimanche soir il s’est tourné vers Mélenchon et Jadot. Hamon est le premier à avoir envoyé des signes de rassemblement sur sa gauche. Jadot devrait lui répondre favorablement dans quelques jours. Mélenchon a sensiblement fait évoluer son propos et il se dit favorable à une discussion « autour d’un café ». Pour autant, il apparait peu probable que Mélenchon s’efface pour Hamon (et Hamon a déjà dit qu’il n’en ferait rien). Le risque en ne rejoignant pas la dynamique Hamon-Jadot (encore hypothétique à ce stade), c’est que Jean-Luc Mélenchon s’isole et soit accusé de division. Sans doute aussi est-ce la stratégie de Benoit Hamon.
François Breton. Est-il vrai que le PC veut se rapprocher de Hamon pour discuter ?
Francis. Que pensez-vous de l’attitude des dirigeants du PCF qui voient dans la nomination de Hamon par le PS une situation nouvelle ?
Roger Martelli. Avant-hier, le PCF a réaffirmé qu’il est « engagé dans la campagne de Jean-Luc Mélenchon ». Il a seulement redit que, dans la perspective des législatives, il voulait « construire une majorité qui vote des lois au nom et en faveur du peuple ». Il est vrai qu’il y a au sein du PCF des débats vifs, que les consultations de l’automne dernier ont bien montrées. Certains sont partisans convaincus de l’idée que le rassemblement autour de Mélenchon est nécessaire, d’autres n’en veulent absolument pas. Ceux-là vont-ils profiter de la situation nouvelle pour préparer une entente avec le PS ? C’est possible. Emporteraient-ils la décision ? Ce sera aux militants de le dire. Et l’expérience récente montre que nul ne peut dire à l’avance de qu’ils pourront décider.
François Breton. À la ramasse dans les sondages, coupé en deux (pour faire vite) par la primaire, le PS est-il fini ? Quelle est la force d’attraction de Macron sur les élus et les responsables socialistes ? A quel point Hamon est-il seul ?
Pierre Jacquemain. Il est très difficile de donner un pronostic à ce stade. D’abord parce qu’on n’est pas à l’abris d’un nouvel événement politique inattendu – et qui vienne changer la donne. Aussi parce Solférino est tenu par l’aile droite du parti (Cambadélis) alors que son représentant à l’élection présidentielle vient de l’aile gauche (Hamon). L’équilibre est complexe. Par ailleurs, je ne crois pas que la clarification de l’orientation politique du PS ait été actée à travers la victoire de Hamon à la primaire – comme l’affirme pourtant Pascal Cherki. Ça n’est pas parce que Hamon a gagné la primaire que le PS a changé de cap. D’ailleurs, si la primaire n’avait été organisée qu’auprès des militants, sans doute auraient-ils préféré Valls. En réalité, au sein du parti, Hamon est un peu seul et devra compter sur des soutiens de façade. Quant à savoir si les élus et autres responsables socialistes rejoindront Macron, on le saura bien vite… mais à écouter Le Guen, Cambadélis et quelques autres, l’hémorragie est bien réelle.
Roger Martelli. Je n’ai jamais cru pour ma part que les recentrages du socialisme européen ne laissaient plus de choix possible qu’entre la voie sociale-libérale et la radicalité transformatrice. J’ai toujours pensé que la place existait pour un retour vers la gauche d’une partie substantielle de la famille sociale-démocrate, sans que cela signifie une rupture avec l’esprit d’adaptation et d’accommodement qui est à la base de la culture sociale-démocrate. La poussée de Corbyn au Royaume-Uni, de Sanders aux États-Unis, les succès du PS portugais ont montré cette possibilité. J’avoue toutefois que je ne pensais pas que la traduction française en émergerait si rapidement. Il faut enregistrer le fait comme positif. Doit-on en conclure qu’il ne reste plus qu’à se glisser dans la roue d’une relance de ce type ? Je m’en garderai bien. Reste la question que nous devrons bien nous poser après les soubresauts électoraux que nous vivons depuis quelque temps : pourquoi les déboires de la social-démocratie ne profitent-ils pas davantage à une gauche de gauche ? Encore faut-il d’abord passer du mieux possible la périlleuse séquence 2017.
ainsisoitelle. Pour conserver sa place de leader de la gauche, Mélenchon va devoir montrer que lui aussi peut rassembler. Où en sont les tensions avec le PCF ? On ne voit que lui et son porte-parole Alexis Corbière. Y a-t-il du monde autour de Mélenchon ?
Pierre Jacquemain. C’est un peu le paradoxe de la France insoumise. Et aussi du discours de Mélenchon sur la question du renouvellement. La France insoumise est un rassemblement ouvert et pluriel. Nombreux, parmi ses membres, n’ont jamais fait de politique. Le pari du renouvellement semble à ce titre gagné. Mais les visages que l’on voit dans les médias sont des visages déjà connus. La campagne présidentielle et des législatives devraient en faire émerger de nouveaux. Ça sera nécessaire pour montrer le renouvellement mais aussi la diversité des sensibilités politiques qui s’expriment dans le cadre de la France insoumise.
Roger Martelli. Le recentrage massif du PS, après 2012, ouvrait un espace à gauche. Dans la continuité du Front de gauche et à partir de la dynamique que sa déclaration de candidature a enclenchée, Jean-Luc Mélenchon avait la légitimité pour porter l’exigence d’une gauche rassemblée. Il a préféré marquer une rupture avec le Front de Gauche et avec toutes ses composantes. II a également pris ses distances avec la notion de « gauche » et choisi de rassembler le « peuple ». Ce qui n‘était pas prévu est que, in fine, la mouvance socialiste choisirait Benoît Hamon, ce qui permet à ce dernier de se prévaloir d’une légitimité inattendue pour appeler au rassemblement de toute la gauche. Cela met le leader de la France insoumise dans une situation bien moins confortable. D’autant plus que le pari du renouveau radical a ses avantages, mais aussi ses contreparties. En ne cultivant pas les relations avec ses anciens partenaires, JLM n’a pas gagné la totalité des forces militantes, syndicales, associatives et intellectuelles qui sont la richesse du courant critique français. Mais le chemin vers le premier tour de la présidentielle est loin d’être parcouru. Ce qui n’a pas été fait hier peut se faire dès aujourd’hui.
Max. Vous savez que la France insoumise dont Jean-Luc Mélenchon n’est que la figure de proue est un mouvement qui grandit chaque jour, contribuer non seulement à le soutenir n’est pas suffisant, il faut participer à ce mouvement qui peut et doit dépasser les egos. La victoire est à ce prix et non à des palabres d’états-majors au PS qui refuse de perdre la main. Qu’attendez-vous ?
Pierre Jacquemain. Regards suit la campagne de Jean-Luc Mélenchon avec beaucoup d’intérêt. Nous rendons compte – parfois avec un regard critique – de ses déplacements, de ses coups de gueule, de ses idées, de ses faux pas. Ses porte-parole sont régulièrement invités à s’exprimer dans nos colonnes (Leila Chaibi, Alexis Corbière, Danielle Simonnet, Éric Coquerel, etc.). Pour ce qui est de l’engagement, (pour répondre à votre « qu’attendez-vous »), chacun se fera son avis pour rejoindre la dynamique. Ou pas, d’ailleurs.
buenaventura. Estimez-vous comme improbable un éventuel retour du capitaine de Pédalo si la fuite des « alimentaires » vers Macron devenait trop forte avec la tentation d’une « synthèse » désespérée ?
Pierre Jacquemain. sur le retour du « capitaine de pédalo », je crois que l’on peut d’ores et déjà affirmer que François Hollande n’en a aucunement l’intention. En envoyant son communiqué de félicitations à l’équipe de France de handball dimanche soir, à 22h36, alors qu’il ne s’était toujours pas exprimé au sujet de la primaire, il a clairement fait savoir que ça n’était plus ses affaires. Il ne reviendra pas et est sans doute bien occupé, fin tacticien qu’il est, à gérer son avenir politique à Bruxelles. Hamon est le candidat du Parti socialiste et il le restera. Et comme vous le dites, à défaut les militants et élus socialistes désespérés, se serviront du vote Macron.
Osee Josephine. Votre question porte sur « l’avenir de la gauche ». Donc, d’abord, c’est quoi la « gauche » ? Que change la primaire, au fond, quant à cet avenir ? un trouble aux marges du vote Mélenchon ? Un réveil du PS « de gauche » ? Car, c’est quoi l’horizon de cet avenir ? les législatives de 2017 ou l’insurrection populaire dans vingt ans que les gauchistes préparent depuis plus de quarante ans ?
Roger Martelli. La gauche, c’est une vieille histoire, qui a pris des formes multiples sur plus près de deux siècles et demi. On sait que son ressort est l’égalité. Mais on sait aussi ce qui la divise : la manière de parvenir à cette égalité. Certains pensent qu’on peut la construire à l’intérieur du système capitaliste dominant ; d’autres sont persuadés qu’il faut s’en sortir pour que l’égalité et la liberté s’épanouissent vraiment. Les deux pôles peuvent parvenir à des plages d’entente. Encore faut-il dire lequel des deux donne le ton dans la musique d’ensemble. Depuis la fin des années 1970, c’est le Parti socialiste qui exerce une fonction hégémonique. Hamon, qui a compris que la logique Valls est meurtrière, veut l’infléchir mais il ne dit pas jusqu’où va sa rupture. On peut penser qu’il est temps d’aller au-delà. Une gauche tentée par l’accommodement aux règles de la mondialisation capitaliste financière ne fait pas du bien à la gauche, décourage les catégories populaires et « booste » la droite extrême. Le moment est venu de mettre les pendules à l’heure et de donner la place qui lui revient à une gauche qui, pour être efficace, est davantage attachée à la rupture. Une gauche dynamique ne peut être qu’une gauche critique et subversive. Encore faut-il qu’elle se montre rassembleuse et qu’elle fasse la démonstration que, si elle est ancrée dans une histoire, elle n’est pas un reliquat du passé.
Berthier G. Les institutions imposent le présidentialisme avec la question de l’accès au second tour pour la présidentielle et ensuite les législatives sans proportionnelle. Comment avoir un débat de fond qui ne soit pas parasité par les priorités électorales ?
Pierre Jacquemain. vous avez tout à fait raison même si vous noterez que Regards privilégie toujours le fond ;). On a par exemple organisé un débat entre Noël Mamère et Jean-Luc Mélenchon où il n’a été question que de fond : transition énergétique, Europe, migrants, etc. Mais votre question interroge aussi le système institutionnel dans lequel nous nous retrouvons. Plusieurs candidats proposent de changer les règles du jeu et de passer à la 6ème République pour redonner le pouvoir au peuple. Si la question institutionnelle est si importante et centrale – pour que les citoyens s’emparent de la question sociale et écologique – comme c’est le cas chez Jadot, Mélenchon et Hamon, ça devrait être l’une des raisons, si ce n’est même la seule, de leur rassemblement.
Vidal Schwartz. Comment espérer construire une gauche de transformation sociale avec un Parti socialiste dont même l’aile gauche a intégré le logiciel néo-libérale ? Amram D. Par peur d’être lâché, Hamon est déjà en train de vouloir séduire la droite très à droite de son « parti ». Déjà qu’il est socialiste du bout des lèvres (voir ses votes sous le gouvernement Hollande), quelle crédibilité peut-on accorder à la volonté affichée de s’allier la gauche ?
Roger Martelli. Je ne suis pas d’accord avec l’idée que la gauche socialiste « a intégré le logiciel néo-libéral ». Je crois plutôt qu’elle n’est pas sortie de cet entre-deux que François Mitterrand a initié : un discours de gauche et une pratique qui, sur le fond, s’adapte aux normes de la mondialisation capitaliste. Hollande et Valls voulaient sortir le PS de cet entre-deux en assumant le recentrage jusqu’au bout. Ils ont été battus et c’est tant mieux. Mais le retour à l’entre-deux n’est pas la solution.
Pierre Jacquemain. en effet, ça n’est pas parce que Hamon a gagné la primaire que le PS a changé de cap. Il sera très compliqué pour Benoit Hamon de s’extraire de cette ligne social-libérale que le gouvernement a incarné et que son parti revendique – sauf à ce qu’il s’émancipe lui-même de son propre parti. Mais ça, ça n’est pas sans doute pas pour tout de suite. Je vais vous faire une confidence. Nous avons interrogé Benoit Hamon quelques jours avant le premier tour de la primaire. À la question « Faut-il faire un nouveau parti », Hamon répondait : « tout est possible ». À suivre, donc…
Stéphane. Pensez-vous que le refus des communistes de signer la charte de la France insoumise et la volonté de ces partisans de présenter des candidats partout aux législatives – même là où les communistes sont implantés – ne risquent pas d’obérer pour longtemps toute forme de rapprochement ?
Roger Martelli. Quel que soit le résultat de la présidentielle, on aura plus que jamais besoin d’une force critique, sociale et politique, pour faire prévaloir les bons choix et empêcher le pire. Cela passera par une représentation parlementaire adéquate. Faire reposer cette représentation sur un accord politique avec le PS, même reporté sur sa gauche, serait une rude illusion. Mais jusqu’à ce jour, Mélenchon n’a pas rassemblé toutes les « familles » qui ont porté sa campagne de 2012. Conditionner des accords législatifs à la signature de la Charte proposée par France insoumise est contre-productif. France insoumise a sa place et sa légitimité, mais n’est pas la totalité du champ critique à gauche. Nul, à la gauche du PS, n’est prêt à passer d’une subordination à une autre. Il faut en tenir compte. Des voix, du côté des soutiens de JLM, se sont exprimés pour un cadre commun de campagne. Ne pas les entendre signifie aujourd’hui laisser la main au PS…
Francis. Que penser du soutien du gouvernement et de Hollande à B. Hamon ?
Pierre Jacquemain. c’est un cadeau empoisonné fait à Benoit Hamon et qui devrait le contraindre – même s’il s’en défend – à assumer une partie de l’héritage du quinquennat. Hamon va devoir rassembler des frondeurs jusqu’aux amis de Valls – ce dernier soutenant au moins officiellement le vainqueur de cette primaire. Par ailleurs, la plupart des membres du gouvernement et de la majorité sont sortis sur les plateaux de télés et de radios hier pour apporter leur soutien à Hamon tout en insistant sur la nécessité de réorienter son programme pour l’inscrire dans la continuité de l’action gouvernementale. Si dès dimanche dernier, Hamon a envoyé des signaux sur sa gauche en évoquant Jadot et Mélenchon, il va être rattrapé par la machine socialiste. Et si les figures gouvernementales tournent trop près de Hamon, ça ne va plaire ni à ses électeurs de la primaire ni à celui de Mélenchon qu’il compte bien séduire. Enfin, ce soutien du gouvernement et de Hollande à Hamon est un beau cadeau à l’endroit d’Emmanuel Macron. Il ne peut que se réjouir de ne pas avoir à assumer le bilan de François Hollande même si en réalité, il en est évidemment responsable.



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