Marion Maréchal-Le Pen n’aime pas être comparée à François Fillon, malgré leur évidente parenté conservatrice-libérale. Si ce positionnement séduit l’électorat originel du FN, il contredit la ligne désormais affichée par le parti.
Depuis la victoire de François Fillon à la primaire de la droite, la nièce de la candidate frontiste se voit infliger toutes les comparaisons avec le champion des « Républicains ». « On me dit que ma ligne a été majoritaire, je suis un peu flattée », lance-t-elle sur BFMTV, à peine ironique, dimanche dernier.
Car à mesure que l’on (re)découvrait François Fillon, on croyait y trouver Marion Maréchal elle-même. Si l’âge les sépare, ce n’est pas le cas de l’idéologie : Fillon et Maréchal ont tous deux défilé lors des « Manifs pour tous », ils se déclarent catholiques pratiquants, optent pour des positions très conservatrices en matière de mœurs et très libérales sur les questions économiques. Quant à l’immigration, très peu pour eux. Aussi doit-elle presque se défendre d’un tel parallèle : l’image d’un Fillon conservateur aurait été « fabriquée à l’entre-deux-tours de la primaire par la gauche ». Une stratégie, selon elle, pour détourner l’électorat féminin.
Guerre sainte pour un électorat « tradi »
Là où Marine Le Pen se pose en cheffe d’État, défenseuse de la République et de ses valeurs, laïcité en pointe, Marion Maréchal joue un tout autre rôle, celui de l’ancienne garde conservatrice, Jeanne d’Arc de la Patrie et incarnation de la fille aînée de l’Église. Sans oublier son petit côté royaliste. Preuve que certains élus de la République ne comptent pas perdre la Révolution à nouveau.
@Marion_M_Le_Pen et @RobertMenardFR seront présents ce samedi au colloque de l'@actionfrancaise. Soutien du #SIEL pic.twitter.com/EQ69i5lSfs
— Karim Ouchikh (@OuchikhKarim) 3 mai 2016
Là où Marine Le Pen récupère un électorat ouvrier, pauvre, populaire, qu’elle pourra toujours agiter face à François « Margaret » Fillon, Marion Maréchal s’occupe des cathos tradis. « Je ne pense pas représenter que les catholiques en France, et pas tous les catholiques d’ailleurs », pouffe-t-elle sur BFM.
Pour sa part, François Fillon trouve des vertus à la colonisation, chante le roman national, chauffe le fer en vue de la guerre contre le « totalitarisme islamique », admet que sa foi ne lui permet pas d’approuver l’avortement… En épousant la ligne Buisson-Sarkozy dans tous ses contours, celle d’une droite affranchie de tout complexe, le vainqueur de la primaire complique la tâche de la jeune députée frontiste pour se démarquer. Et quand Maréchal accuse Fillon de ne pas vouloir abroger le mariage pour tous, elle ne lui rend pas grâce d’avoir voté contre la dépénalisation de l’homosexualité en 82, contre le PACS en 99 et contre le mariage pour tous en 2013.
Voilà bien pourquoi il n’est pas anodin qu’elle se défie d’un Fillon pouvant potentiellement capter son électorat, là où les Florian Philippot et Marine Le Pen, avec leur ligne antilibérale – aussi hypocrite soit-elle –, n’ont pas cette crainte.
Marion, libérale Le Pen
Marion Maréchal-Le Pen peine à réfréner son penchant pour le libéralisme économique. Ainsi lâche-t-elle, toujours sur le plateau de BFM : « L’économie britannique va mieux après le Brexit et elle se portera encore mieux avec les réformes de Teresa May ». Pour se distinguer de Fillon, elle doit alors, en le qualifiant d’« escroquerie », assurer qu’il ne sera pas « souverainiste, réformateur, identitaire et libéral » – c’est-à-dire qu’il ne fera pas ce qu’il annonce.
Elle a beau protester à chaque fois qu’on la compare à Fillon, quand elle égrène la liste du « Nous, au FN, nous sommes pour », on y retrouve la diminution du nombre de fonctionnaires, la baisse du coût du travail, la renégociation des 35 heures par branche, etc.
"Nous sommes pour la baisse du coût du travail et la renégociation par branches des 35H ." #BFMPolitique pic.twitter.com/BpnaaRItpb
— Marion Le Pen (@Marion_M_Le_Pen) 4 décembre 2016
Du Fillon dans le texte ? Si l’on écarte la question de l’Europe, la ligne de fracture est mince. Le positionnement de la nièce souligne les divergences au sein du FN, que le journaliste Benoît Lasserre a bien résumées dans Sud Ouest : « Le parti d’extrême droite n’a pas fixé sa stratégie, tenaillé entre la ligne libérale conservatrice (du Fillon en plus dur encore) de Marion Maréchal-Le Pen et celle de son ennemi interne, Florian Philippot, qui estime au contraire que, face à ce candidat, Marine Le Pen doit accentuer son discours social et protectionniste pour élargir son électorat jusqu’aux fonctionnaires ».
En attendant une éventuelle clarification, on doit estimer au sein du FN que ces contradictions assurent une avantageuse forme de complémentarité auprès de ses diverses clientèles électorales.


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